Le roman Yemaya est né lors d’un voyage de plusieurs mois au Brésil. Yemaya raconte l’histoire d’un scientifique évoluant dans une société sous-marine futuriste dans laquelle les émotions sont proscrites et la liberté individuelle particulièrement limitée. Le héros est fréquemment saisi des visions de personnes vivant dans le Brésil des années 2000 qui vont lui révéler qu’une autre réalité est possible. Dans ce roman, on navigue dans les contrastes des paysages ahurissants brésiliens tout comme l’environnement corseté du vaisseau sous-marin. C’est aussi une immersion totale dans les abysses marins. L’histoire tend à montrer que des trajectoires apparemment éloignées peuvent fusionner et que nous vivons finalement donc ce monde sans cesse en recomposition.
Il vient d'être édité par les Editions Maïa, maison d'édition à compte d'éditeur, vous pouvez le commander ici
Synopsis
En 2080, la surface terrestre est inhabitable. Contraints de vivre dans les océans, les survivants ont organisé une société scientifique au sein de laquelle les libertés individuelles sont quasi-inexistantes : Yemaya. Chercheur en biologie marine, Ron a pour mission de scruter les fonds marins pour y découvrir des espèces utiles à la survie de tous. Alors que le reste de la population stagne dans une apathie entretenue, Ron est fréquemment saisi d’étranges visions de personnes vivant sur Terre il y a plusieurs décennies. Elles lui révèlent qu’une autre réalité est possible, ailleurs, dans laquelle les gens ont une grande liberté de ressentir et de penser. La dangereuse prise de conscience de Ron est rapidement muselée par les dirigeants de Yemaya qui craignent que le mal ne se propage. Finalement, on lui propose une mystérieuse mission dont l’objectif est flou mais qui se révèle être une formidable opportunité pour Ron : il doit explorer la surface terrestre. Au cours de son aventure, l’origine de ses visions et les sombres secrets de Yemaya se dévoileront alors à lui, remettant alors en cause tout ce à quoi il croyait.
Extrait 1
« Après avoir enfilé un masque sur son visage et des bouchons auditifs, Ron actionna l’inter magna jusqu’au niveau inférieur soixante-dix, le secteur Shango, un endroit qu’il n’avait jamais exploré de sa vie et dont il redoutait les nuisances. C’était le secteur de la production et des supports, une usine infatigable, de jour comme de nuit qui fournissait à l’ensemble du Vaisseau la nourriture, l’énergie, l’eau potable et l’ensemble des autres besoins de Yemaya, dont l’électronique, l’ameublement et les médicaments. À Shango, on trouvait le moteur propulsif à bio-algues, les machines de revalorisation nutritive, l’unité de création polymérique tri-dimensionnelle, la génératrice d’électricité abyssine, la cellule de transformation des nodules polymétalliques ou encore la plateforme de croissance Prokaryota pour la culture d’organismes unicellulaires. Ron fut accueilli à sa sortie par un ronronnement maintenu de moteurs que venait interrompre un claquement aigu régulier. Il s’avança timidement dans un long couloir qui s’allumait au fur et à mesure de son avancée. De ce long tunnel inhospitalier, on pouvait avoir accès à toutes les unités de Shango qui étaient toutes fermées par une double porte blindée. Ron s’arrêta devant le SAS d’entrée YPU4, passa son bracelet magnétique devant la plaque noire et saisit le code qui lui avait été donné. Les portes du SAS s’ouvrirent sur une cage d’inter-magna chétive.
Ron ne savait pas où il s’était embarqué mais l’enjeu en valait la peine. Quelques secondes plus tard, les parois de l’inter-magna s’ouvrirent sur une mezzanine vitrée qui surplombait deux énormes cuves alimentées par des pompes de la taille de plusieurs hommes. L’ensemble était connecté à d’énormes tuyaux qui remontaient des deux côtés de la passerelle où Ron se tenait. À cette heure-ci, seule une équipe de maintenance réduite était à pied d’œuvre. Ron longea la passerelle en observant l’étonnant processus qui avait lieu sous ses yeux, puis porta trois coups à la porte quatre cent trois.
Après quelques secondes, elle coulissa silencieusement dans le mur.
— Je n’étais pas sûr de vous voir ce soir, fit une voix grave et basse à quelques mètres de lui. »
Extrait 2
«Marcella s’enfonça dans un bosquet et suivit le cours d’eau qui s’écoulait timidement sur son lit de galets, formant ponctuellement des nappes d’à peine un centimètre de profondeur alors que d’énormes blocs de roches s’érigeaient en plateformes minérales. Elle s’arrêta un instant sur l’une d’elles et plongea ses pieds nus dans une eau dont la température lui procura instantanément une sensation de fraîcheur bienvenue, une fois passé le douloureux contact du froid. Elle trempa ensuite ses mains dans l’onde limpide qu’elle porta à son visage, pour épancher la sueur de son front. Chose qu’elle ne faisait jamais, elle avait décidé d’envoyer une photo d’elle, les cheveux humides, à Daniel, histoire de le rendre jaloux, lui qui devait à cette heure-ci accomplir la tâche ingrate de préparer la livraison de demain. Mais elle souhaitait également qu’il puisse la trouver jolie, voire attirante. Elle avait longtemps hésité, la pensée du visage de Daniel en réaction à la photo venait se télescoper avec celle de son mari, accoudé au bar, le visage rubicond. En replongeant ses mains dans l’eau froide, elle réussit à évacuer la culpabilité qu’elle ressentait. Ce n’était après tout qu’une plaisanterie avec un ami, rien de plus, se rassura-t-elle. Avec une excitation soudaine, elle cliqua sur « Envoyer », remit ses sandales et continua à descendre le ruisseau en chantonnant.
Alors qu’elle s’était éloignée de la rive pour entrer dans une clairière, elle s’arrêta net, le souffle coupé. À la place du lieu animé par les troncs tortueux des euphorbes, les tiges longues et pointues des chocas verts et les corolles blanches odorantes des génipayers, s’étendait un désert insupportable. La zone avait été défrichée sur une surface dont l’œil ne pouvait percevoir les limites, dénudant jusqu’à la roche même, jadis dissimulée sous l’épaisseur végétale. De ce lieu chéri où elle prenait quotidiennement son goûter, où elle s’allongeait pour une sieste d’une vingtaine de minutes, il ne restait rien.
Au milieu supposé de la zone défrichée, un étrange bloc de métal pas plus grand qu’un mètre de haut, ayant la forme d’un carré régulier aux arrêtes nettes, était enfoncé dans le sol sablonneux. Si sa géométrie régulière surprenait par le contraste qu’il offrait dans l’univers entropique du parc, son noir mat avalant tous les reflets était véritablement surprenant, voire dérangeant. Marcella s’était dissimulée derrière un arbre, son cœur battant la chamade et ses yeux écarquillés devant cet OVNI ayant émergé comme une apparition divine, si ce n’était maléfique. Elle ne sut combien de temps elle resta là, plantée, à traiter les questions qui assaillaient son cerveau et notamment les raisons qui l’incitait à rester cachée plutôt que s’approcher. Après le choc des émotions soulevées par l’effet de surprise, sa raison évacuait les théories farfelues. Cela pouvait éventuellement être une banque de graines endémiques semi-enterrée pour les préserver de la chaleur, ou encore un projet artistique qu’un des collectifs associatifs nombreux à Ouro Preto aurait pu ériger. S’il s’agissait d’un projet extraterrestre, alors elle aurait sûrement rencontré un de ses responsables sur un chemin de randonnées, pensa-t-elle en se moquant d’elle-même. Pourtant, l’incompréhension demeurait. Ni l’affreux défrichement, ni l’étrange objet, n’étaient présents lorsqu’elle était venue ici, il y avait précisément deux jours.
Lorsqu’elle sortit de sa cachette, elle fut transie par une vibration continue au niveau de sa jambe droite. Elle faillit trébucher dans une racine, recula furtivement et s’agenouilla derrière un buisson survivant. Elle sortit son téléphone et constata que l’envoi du message avait échoué. Chose singulière, il n’y avait plus aucun réseau ici alors qu’elle avait l’habitude de transmettre des textos à son amie Rebecca pendant la prise de son encas. Comme si l’objet qu’elle avait devant elle, en plus d’absorber la lumière sans en refléter le moindre photon, engouffrait aussi les ondes. »